Numéro(s) de dossier(s) : | 31-051116-027G; 31-051116-029G |
Noms des parties : | ENID SLATTERY c. 9057-8162 QUÉBEC INC |
Date de l'audience : | 21-05-2009 |
Date de la signature : | 23-06-2009 |
Décideur : | Boucher, Linda (Me) |
Québec
Régie du logement
Bureau de Montréal
N° de la demande : 31 051116 027 G
31 051116 029 G
Régisseure : Me Linda Boucher
ENID SLATTERY
PH-10-5999, MONKLAND
MONTRÉAL (QUÉBEC) H4A 1H1
Locataire - Partie demanderesse
(31 051116 027 G)
et
ALLAN WONG
PH-07-5999, MONKLAND
MONTRÉAL (QUÉBEC) H4A 1H1
Locataire - Partie demanderesse
(31 051116 029 G)
c.
9057-8162 QUÉBEC INC
720, CHURCHILL
ST-LAMBERT (QUÉBEC) J4R 1N1
Locateur - Partie défenderesse
(31 051116 027 G)
(31 051116 029 G)
Logements concernés :
5999, Monkland, app. ph-10 et app. ph-07
Montréal (Québec) H4A 1H1
Date de l'audience
21 mai 2009
Présence(s)
la locataire Enid Slattery
le locataire Allan Wong
le locateur
le mandataire du locateur
D é c i s i o n
Le 16 novembre 2005 la locataire, Madame Enid Slattery, saisit la Régie du logement d'une demande de diminution de loyer, émission d'une ordonnance enjoignant le locateur d'exécuter son obligation, exécution provisoire de la décision nonobstant l'appel et condamnation du défendeur aux frais judiciaires. (demande 31 051116 027 G)
Une mise en demeure datée du 2 novembre 2005 est jointe à la requête introductive d'instance. La locataire y dénonce les bruits de construction, la poussière qui envahit son logement et la perte de l'usage d'un ascenseur.
Le même jour son voisin, monsieur Allan Wong, dépose une demande semblable aux termes de laquelle il réclame une diminution de loyer rétroactive au mois de décembre 2002, 1 500 $ en dommages moraux, le tout avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec. Aussi, l'émission d'une ordonnance enjoignant le locateur d'exécuter son obligation et la condamnation du défendeur aux frais judiciaires.
Au soutien de sa demande, le locataire fait valoir que son balcon doit être réparé ainsi que les murs et les tapis de son logement. De plus, l'ascenseur est toujours hors d'état de fonctionnement et il est constamment dérangé par le bruit et la poussière de travaux dans les logements voisins.
Le 15 mai 2007, madame Slattery amende sa requête introductive d'instance pour ajouter une somme de 2 430 $ en dommages moraux.
Une mise en demeure, cette fois datée du 13 mars 2006, accompagne l'amendement. La locataire Slattery dénonce le locateur qui ne semble pas faire grand cas de sa perte de jouissance qu'elle revendique en vain. Elle déplore la perte de l'usage de la chute à déchets et d'une partie de son intimité depuis que le locateur a installé ses bureaux près de son logement. Elle ajoute ces motifs à sa demande de diminution de loyer et réclame des dommages moraux.
Le locateur et madame Slattery admettent être liés par un bail du 1er août 2005 au 31 juillet 2006 au loyer mensuel de 1 215 $ reconduit jusqu'au 31 juillet 2007 pour un loyer fixé à 1 208 $. Ce bail a encore été reconduit jusqu'au 31 juillet 2008 pour un loyer mensuel devant faire l'objet d'une fixation. Il est présentement reconduit jusqu'au 31 juillet 2009 au loyer mensuel de 1 208 $.
Le locateur et monsieur Wong admettent être liés par un bail du 1er décembre 2005 au 30 novembre 2006 au loyer mensuel de 917 $, reconduit jusqu'au 30 novembre 2007 pour un loyer fixé à 911 $. Ce bail a encore été reconduit jusqu'au 30 novembre 2008 pour un loyer mensuel devant faire l'objet d'une fixation et est présentement reconduit jusqu'au 30 novembre 2009 au loyer mensuel de 911 $.
Les demandes sont réunies à la requête des locataires, afin d'être instruites en même temps et jugées sur la même preuve, ceci conformément à l'article 57 de la Loi sur la Régie du logement.
Les logements des locataires sont situés au dernier étage d'un immeuble qui en compte 23. Il s'agit de penthouses sur deux étages et qui se font face.
Madame Slattery fait valoir que du début du mois d'août 2005 au 19 avril 2007, des travaux d'envergures se sont déroulés dans des penthouses voisins portant les numéros 1, 2, 3, 4 et 5.
Ces travaux non annoncés, dénonce-t-elle, ont produit des bruits excessifs et intolérables pour cette retraitée qui est à la maison toute la journée.
Elle fait état du bruit des marteaux piqueurs, quelquefois trois à la fois, qui se sont attaqués aux structures de béton et des bruits de scie, de marteau et d'autres bruits de construction.
De plus, des ouvriers bruyants et effrontés circulaient tous les jours de la semaine dans les corridors pour se rendre au penthouse numéro 9, là où ils entreposaient leurs outils et autres matériaux. Ils fumaient dans le corridor et accaparaient l'un des deux seuls ascenseurs desservant l'immeuble.
Elle précise que les travaux se déroulaient du lundi au vendredi et de 7:00h à 16:00h, et, quelques fois, même le samedi.
Elle ajoute que les travaux généraient beaucoup de poussière qui s'infiltrait chez elle et qu'elle devait nettoyer sans cesse, sans parler de la fumée de cigarette qui la dérangeait beaucoup et la saleté repoussante des espaces communs.
La demanderesse déplore avoir subi une perte considérable de la jouissance paisible à laquelle elle a droit, ainsi que du stress et du découragement devant l'animation, la fumée de cigarette, l'absence de considération de la part des ouvriers et du personnel du locateur, les fausses alarmes déclenchées par les ouvriers et, surtout, le bruit constant et excessif dans son logement. Elle relate aussi l'embarras de recevoir dans ce lieu ravagé par les démolisseurs.
Elle ajoute que des travaux se poursuivent actuellement dans un penthouse voisin, toutefois elle ne s'en plaint pas jugeant que ceux-ci ne produisent pas de bruits intolérables.
Au sujet des ascenseurs, elle déplore que le seul disponible pour les résidents ait été en panne durant quelques jours au mois d'août 2006, ce qui ne lui a laissé comme alternative que descendre et monter les 22 étages, si bien qu'elle préférait souvent se priver de sortie.
Elle se souvient qu'en 2004, elle s'est trouvée emprisonnée dans l'un des ascenseurs durant 45 minutes, ce qui l'a bouleversée. Elle mentionne également quelques autres pannes plus récentes.
Elle ajoute que durant les gros travaux, elle devait souvent attendre l'ascenseur plus de 5 minutes alors que le délai habituel est d'une minute.
Madame Slattery se plaint aussi de la perte de la chute à déchets durant plusieurs mois, soit du mois d'avril 2006 au mois de mars 2008, perte dont elle a beaucoup souffert, explique-t-elle.
Toutefois, à ce sujet, monsieur Turek exhibe une entente survenue entre le locateur et la locataire.
Madame Slattery admet avoir accepté une diminution de loyer en raison de la perte de ce service, mais ajoute qu'elle n'aurait jamais consenti à cette entente si elle avait su que la remise en état de la chute à déchets prendrait si longtemps.
Le tribunal ne partage pas l'avis de la locataire et juge qu'il y a eu transaction(1) entre les parties au sujet de la perte de la chute à déchets. Perte qui apparaît définitive à l'analyse des documents disponibles au moment de la négociation entre les parties.
La preuve probante démontre que ce n'est que par la suite que le locateur a décidé d'exécuter les travaux importants afin de rendre cet accessoire aux locataires.
Pour ce qui concerne madame Slattery, le tribunal juge qu'il y a donc chose jugée(2) quant à la perte temporaire de la chute à déchets.
La locataire profite aussi de sa présence devant le tribunal pour se plaindre, entre autres, de saletés qui tombaient sur sa cuisinière, de travaux sur son balcon et qui l'en ont privée, de même que des inconvénients qu'elle a subis lors de la réfection du toit. Toutefois, puisque ces motifs n'apparaissent pas à sa demande originale ni à son amendement, le tribunal ne se penchera pas plus avant sur ces motifs. Comme la soussignée l'a fait remarquer aux parties à la seconde audition, le tribunal ne peut se prononcer au-delà de leur demande respective.
Au soutien de son témoignage, madame Slattery produit une vidéo et exhibe des photographies démontrant l'étendue des travaux réalisés dans les penthouses numéro 1, 2, 3, 4 et 5, lesquels ont été réunis pour ne former que deux penthouses.
Elle fait aussi entendre un enregistrement du 15 mars 2006 dans lequel on l'entend loger un émouvant appel de détresse aux policiers, alors qu'on entend distinctement le bruit des marteaux-piqueurs à l'arrière.
Elle exhibe aussi le journal qu'elle a tenu du 1er décembre 2005 au 19 avril 2007. Elle y a consigné au jour le jour les bruits excessifs générés par les travaux exécutés et les inconvénients qu'elle en a subis.
Pour clore son témoignage, madame Slattery résume ces demandes. À présent, elle demande une diminution de loyer de 40% rétroactive au mois d'août 2005 jusqu'au mois d'avril 2007 plus une somme de 2 430 $ pour dommages moraux.
Elle renonce à réclamer l'émission d'une ordonnance, jugeant cette requête désuète.
Madame Slattery fait témoigner sa voisine, madame Eileen Swartz. Celle-ci occupe le penthouse numéro 6 depuis une quinzaine d'années.
Le témoin corrobore le témoignage de la demanderesse quant aux travaux et aux bruits que celle-ci dénonce. Bruits qui ont débutés, selon elle, au mois de juillet 2005 pour se poursuivre, à raison de 5 à 6 jours semaines, jusqu'au mois d'avril 2007.
Elle se souvient du bruit des marteaux piqueurs, de portes claquées, de circulation continue des ouvriers ainsi que d'autres bruits reliés aux travaux de rénovations majeures.
Elle explique qu'elle était alors en congé de maternité et ne pouvait donc s'éloigner de son foyer. Elle raconte avec amertume que cette période était tout, sauf sereine, à cause des travaux qui se déroulaient sur son étage.
Pour rendre compte de l'attitude du locateur face aux conditions de vie de ses locataires, elle relate un entretien avec monsieur Vladimir Turek, l'agent de celui-ci. Excédée et en larmes, elle s'est plainte à lui du bruit, pour se voir répondre de s'en accommoder « deal with it », a-t-il dit. Monsieur Turek admet avoir prononcé ces paroles.
À deux reprises, elle a appelé la police, qui s'est toutefois montrée impuissante à faire quoi que ce soit pour rétablir la paix.
Elle déplore n'avoir jamais été avisée des travaux, même quand les ouvriers ont interdit l'accès d'une partie de l'étage.
Le demandeur, monsieur Allan Wong, témoigne à son tour.
Monsieur Wong se plaint du mauvais état de son balcon depuis l'an 2002. Il affirme avoir dû attendre jusqu'au mois de janvier 2009 pour que les travaux débutent, travaux qu'il souhaite voir compléter.
Durant toute cette période, il a été privé de cet accessoire, qui était dangereux en raison de sa vétusté à divers degrés. À présent, son préjudice est essentiellement esthétique, admet-il.
Monsieur Wong ajoute que des portions des murs de son logement sont détériorées et portent quelques traces de moisissures. Malgré ses efforts, ce problème est récurrent, déplore-t-il, et même le remplacement des fenêtres n'a pas réussi à le régler.
Il fait aussi valoir qu'à la suite d'une inondation, provoquée par des travaux de plomberie. Ses tapis ont été abîmés, mais n'ont pas été réparés par le locateur, et ce, malgré ses demandes répétées.
Au sujet des ascenseurs, son témoignage corrobore essentiellement celui de sa voisine, madame Slattery et affirme être lui-même resté prisonnier de ces engins à quelques reprises.
Il ajoute que les ascenseurs ne fonctionnent toujours pas convenablement. Notamment, il leur reproche d'être lents. Il explique que les deux appareils répondent à un même appel, contribuant ainsi à leur lenteur d'exécution. Il juge ce phénomène anormal.
Il soumet un journal des bris des ascenseurs et des périodes durant laquelle il en a été privé partiellement ou tout à fait.
Il corrobore le témoignage de ses voisines quant aux travaux qui se sont déroulés aux penthouses 1, 2, 3, 4 et 5. Toutefois, il ajoute que depuis le mois de mars 2003 et jusqu'à ce jour, des travaux sont continuellement en marche sur son étage. Des travaux qui produisent des bruits excessifs et une abondance de poussière qu'il est contraint de nettoyer fréquemment. Il déplore que malgré ses demandes, le locateur n'a pas posé de plastique pour empêcher la poussière de pénétrer chez lui.
Le locataire admet qu'il passe ses journées au travail aux heures où les travaux se déroulent mais, il précise que ce n'est pas par choix. Il explique qu'il possède un bureau à la maison, mais qu'il ne peut s'en servir depuis longtemps déjà en raison du bruit qui l'empêche d'y travailler efficacement.
Tout comme madame Slattery, monsieur Wong profite de sa présence au tribunal pour exprimer des doléances qui ne se retrouvent pas à sa requête. Il mentionne la perte de la chute à déchets, le bris des extincteurs automatiques, d'inondations survenues dans sa garde-robe, d'une partie de mur à réparer à la suite du remplacement d'une cuvette, de travaux dans le garage, des travaux de construction dans le penthouse numéro 6 et de travaux de rénovation du corridor commun en janvier 2009.
Malheureusement, ces demandes n'apparaissent pas au nombre des motifs à sa demande, certains sont d'ailleurs postérieurs au dépôt de celle-ci. Encore une fois, le tribunal ne peut adjuger au-delà de la demande. Pour ce motif il ne s'attardera pas à ces nouvelles doléances.
En terminant son témoignage, il résume ses demandes, lesquelles sont : Une diminution de loyer de 10% du mois de décembre 2002 au mois de juin 2005 et une diminution additionnelle de 40% du mois de juillet 2005 et ce, jusqu'à ce qu'il retrouve la jouissance paisible de son logement. Une somme de 1 500 $ en dommages moraux et l'émission d'une ordonnance enjoignant au locateur de réparer les dommages aux murs de son logement.
Au soutien de son témoignage, monsieur Wong exhibe également une série de photographies, des correspondances entre lui et le locateur et un journal relatant divers évènements relatifs à l'état des lieux.
En défense monsieur Vladimir Turek, responsable de l'administration de l'immeuble visé, témoigne pour le locateur.
Le témoin affirme que sur 170 logements, seuls 4 locataires se sont plaints des travaux qui se sont déroulés au 22e étage. Puis, il déclare qu'il ne reste dans l'immeuble que 50 logements occupés, les autres locataires ayant choisi de partir volontairement.
Il fait valoir que le locateur tente de remettre l'immeuble en état, ce qui prend du temps et ne peut se faire sans un minimum d'inconvénients pour les locataires.
C'est d'ailleurs pourquoi le locateur a accepté de mettre un terme à tous les baux des locataires qui ne voulaient pas subir les inconvénients reliés aux divers travaux dans l'immeuble.
Plus particulièrement, pour ce qui concerne les travaux qui se sont déroulés dans les penthouses numéro 1, 2, 3, 4 et 5, il défend le locateur en déclarant que ceux-ci ont été exécutés par et aux frais des deux locataires qui occupent maintenant les deux nouveaux penthouses qui en ont résulté.
Il conteste ne pas avoir avisé les résidents des travaux. Il exhibe à ce sujet des photographies d'avis qu'il a exposé derrière la vitre du bureau de l'administration. Il ajoute que les copies d'avis qu'il affiche un peu partout dans l'immeuble sont aussitôt retirées par les résidents.
Au sujet de l'ascenseur, il déclare qu'il s'agit d'un vieil appareil qui est programmé de sorte que les deux cabines répondent à un même appel. Il attend maintenant la fin des travaux dans l'immeuble pour le rénover.
Selon monsieur Turek, les demandes sous étude ne sont pas raisonnables et les demandeurs exagèrent leurs inconvénients afin d'obtenir une diminution substantielle de leur loyer.
Il doute que le bruit des marteaux piqueurs ait été aussi important que le dénoncent les locataires. Une fois la destruction du béton complété, après quelques jours dit-il, il ne reste qu'à reconstruire, ce qui fait peu de bruit, selon lui.
Il ajoute qu'il a offert aux demandeurs de résilier leur bail, ce qu'ils ont refusé.
Au sujet des tapis de monsieur Wong, il affirme que le locateur les a fait nettoyer à plusieurs reprises, de même que l'ensemble du logement, à la demande du locataire.
Quant aux accusations d'insultes et de mauvais traitement par les agents du locateur allégués par les locataires, il affirme que, pour sa part, il ne les a jamais insultés ni bousculés et ce, malgré les provocations de monsieur Wong.
Pour ce qui est des travaux qui se déroulent présentement au penthouse numéro 6, travaux qui sont dénoncés par monsieur Wong comme étant une source de perte de valeur locative et d'inconvénients divers, monsieur Turek conteste qu'il s'y déroule des travaux de construction. Il affirme que seul le panneau électrique est remplacé, des armoires de cuisines neuves installées et une petite partie du mur de la cuisine modifiée, en 30 minutes, estime-t-il.
Voici qui résume l'essentiel de la preuve.
Le recours des locataires est fondé sur les articles 1854, 1864 et 1910 du Code civil du Québec lesquels se lisent comme suit, savoir :
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.»
« 1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues réparations d'entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure.»
« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.
La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d'habitabilité est sans effet.»
Les obligations du locateur mentionnées aux articles 1854 al.1 et 1864 sont dites de résultat, il ne pourra donc se soustraire à son obligation qu'en invoquant la force majeure. D'ailleurs à ce sujet les auteurs Beaudoin et Jobin s'expriment ainsi :
« ...Dans le cas d'une obligation de résultat, la simple constatation de l'absence du résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la faute du débiteur, une fois le fait même de l'inexécution ou la survenance du dommage démontré par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité, doit aller au-delà d'une preuve de simple absence de faute, c'est-à-dire démontrer que l'inexécution ou le préjudice subi provient d'une force majeure. Il ne saurait être admis à dégager sa responsabilité en rapportant seulement une preuve d'absence de faute, c'est-à-dire démontrer que l'inexécution ou le préjudice subi provient d'une force majeure. Il ne saurait être admis à dégager sa responsabilité en rapportant seulement une absence de faute. »(3)
Aussi, l'obligation du locateur à l'article 1854 al. 2 est encore plus sévère puisqu'il s'agit d'une obligation de garantie :
« En présence enfin d'une obligation de garantie, le débiteur est présumé responsable. La seule façon pour lui d'échapper à sa responsabilité est de démontrer que c'est par le fait même du créancier qu'il a été empêché d'exécuter son obligation, ou encore que l'inexécution alléguée se situe complètement en dehors du champ de l'obligation assumée ».(4)
En l'occurrence, le tribunal ne peut accueillir les défenses du locateur à l'effet que les travaux aux penthouses 1, 2, 3, 4 et 5 aient été entrepris par les futurs occupants. Cette situation ne diminue en rien ses obligations de garantie et de résultat envers les locataires. De plus, contrairement à ce que prétend le représentant du locateur, les locataires n'ont pas à subir impunément les contretemps et les inconvénients reliés aux travaux d'amélioration de l'immeuble.
Certes le locateur ne peut, par magie, remettre en état son immeuble sans que les occupants en subissent quelques inconvénients. Toutefois, ceux qui en font la demande et qui réussissent à démontrer une perte de valeur locative verront leur loyer diminué en conséquence.
Après analyse de toute la preuve et audition des témoignages, le Tribunal estime que le locateur a fait défaut d'entretenir le logement de monsieur Wong en état de servir à l'usage pour lequel il a été loué, il a négligé de faire en cours de bail toutes les réparations nécessaires autres que locatives. Il n'a pas correctement corrigé les dommages survenus à ses tapis et il n'a pas promptement réparé le balcon, balcon dont il a été privé durant plusieurs mois. Il n'a pas réparé les parties de ses murs endommagés et colonisés par des moisissures.
De plus, il appert que les deux demandeurs ont subi des bruits excessifs durant les travaux majeurs aux penthouses 1, 2, 3, 4 et 5. Ils ont enduré le son des marteaux piqueurs qui s'attaquaient au béton ainsi que celui des autres outils à moteurs utilisés tout au long des travaux. Ils ont vu leurs logements et le corridor commun envahi de gravats et de poussière. Ils ont enduré la présence quotidienne des ouvriers, de leur musique, de la fumée de cigarette, de leurs cris et grossièretés.
L'exode de nombreux locataires, mentionné par monsieur Turek, démontre bien combien les conditions de vie étaient difficiles dans l'immeuble pour ses résidents.
Durant la même période, ils ont perdu sporadiquement l'usage d'un ascenseur, ce dont le locateur devra répondre également. Toutefois, monsieur Wong n'a pas démontré que cette perte d'usage est significative depuis la fin des travaux de réunion des penthouses.
Il appert que madame Slattery a été particulièrement éprouvée durant cette période, puisqu'elle n'avait nulle part où se réfugier durant le jour, au contraire de monsieur Wong qui se rendait quotidiennement au travail. Ce dernier a tout de même perdu l'usage de son bureau à domicile durant ces travaux et a subi toute la gamme des inconvénients, lorsque les travaux se poursuivaient durant les week-ends et durant son congé de maladie, sans compter la poussière qui trouvait son chemin jusque chez lui.
Il ne fait pas de doute que les locataires ont donc subi une perte de jouissance et de valeur locative des lieux loués.
Soulignons également le manque total d'empathie de la part du locateur et de son représentant vis-à-vis des nombreux et importants inconvénients que les travaux faisaient subir aux locataires.
À part leur offrir de mettre fin à leur bail, il ne leur a proposé aucune compensation ou soulagement.
Puisque le locateur n'a pas exécuté les obligations auxquelles il est tenu tant par le bail que par la loi, les locataires sont bien fondés de se pourvoir en diminution de loyer comme le leur permet l'article 1863 du Code civil du Québec.
Cependant, rien ne sera accordé à monsieur Wong en raison des travaux au penthouse 6. Celui-ci n'ayant pas démontré de façon probante en subir une perte de valeur locative significative.
Faute d'une preuve suffisante, rien ne sera accordé à madame Slattery du fait pour le locateur d'avoir installé son bureau près de chez elle. La présence de ce bureau n'apparaît pas comme un inconvénient notable.
Au sujet de la diminution de loyer, le tribunal souscrit à l'opinion de Me Gilles Joly dans l'affaire Gagné c. Larocque(5) :
« Le recours en diminution de loyer a pour but de rétablir l'équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains des services ne sont plus dispensés ou que le locataire n'a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.
Il s'agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne dispense plus. Il ne s'agit donc pas d'une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer. »
Le recours en diminution de loyer vise à rétablir l'équilibre entre le loyer payé par le locataire et la prestation de service du locateur. Nous souscrivons à l'opinion de Me Gilles Joly, dans la décision de Girard c. Placements Bédard et Gauthier Enrg.(6), lorsqu'il définit ainsi ce recours :
« Le recours en diminution de loyer est de nature « quantis minoris », c'est-à-dire qu'il cherche à rétablir un équilibre entre la prestation du locateur et celle de la locataire; en vertu du bail, le locateur doit procurer à la locataire la jouissance du logement qui y est décrit; en contrepartie, la locataire doit payer le loyer dont le montant doit équivaloir aux droits que le contrat lui procure. Or, dès que la locataire n'a plus la jouissance des lieux comme elle devrait l'avoir, elle peut exercer le recours en diminution de loyer afin que son obligation soit réduite en proportion du trouble qu'elle endure. »
Pour déterminer la diminution de loyer à laquelle les locataires ont droit, la Régie doit évaluer la valeur du service supprimé en regard des loyers convenus, de la dimension ou contenance des logements et de l'ensemble des accessoires, commodités ou service fournis par le locateur.
En l'espèce, la Régie accorde à madame Slattery la somme de 4 500 $, somme qui rétablit adéquatement, selon nous, l'équilibre entre les prestations des parties en raison des inconvénients reliés aux travaux exécutés du mois d'août 2005 au mois d'avril 2007, et de la perte sporadique de l'usage de l'ascenseur.
Quant à monsieur Wong, le tribunal juge qu'il a droit à une diminution de loyer s'élevant à la somme de 2 000 $ pour la perte de valeur locative qu'il subit depuis le mois d'août 2005 jusqu'à aujourd'hui.
Une diminution additionnelle de loyer de 50 $ par mois lui est aussi accordée à compter du 1er juin 2009 et jusqu'à ce que ses tapis, ses murs et son balcon soient réparés. Les photographies récentes du balcon démontrent que le résultat est loin d'être satisfaisant et nécessite encore beaucoup de travail.
La Régie doit aussi émettre une ordonnance afin d'enjoindre le locateur à exécuter, selon les règles de l'art, la réparation du balcon, tapis et des murs du locataire Wong.
Au chapitre des dommages moraux, le tribunal est convaincu par la preuve offerte par les locataires. Conséquemment, il accorde à madame Slattery à ce chapitre, une somme de 1 000 $ et à monsieur Wong, la somme de 500 $.
Madame Slattery a réclamé l'exécution provisoire de la décision, toutefois le tribunal juge que les circonstances présentes ne justifie pas de la lui accorder.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie les demandes des locataires;
ORDONNE ET ENJOINT le locateur à réparer adéquatement et conformément aux règles de l'art et du métier le balcon, les tapis ainsi que les murs du logement de monsieur Wong;
CONDAMNE le locateur à payer à madame Enid Slattery la somme de 5 500 $, plus la somme de 67 $ correspondant aux frais judiciaires et de signification, selon le tarif en vigueur;
CONDAMNE le locateur à payer à monsieur Allan Wong la somme de 2 500 $ avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 16 novembre 2005, plus la somme de 67 $ correspondant aux frais judiciaires et de signification, selon le tarif en vigueur;
RÉDUIT le loyer de monsieur Allan Wong d'une somme de 50 $ pour chacun des mois depuis le 1er juin 2009, jusqu'à ce que les travaux ci-dessus soient complétés;
REJETTE les demandes quant surplus.
Le 23 juin 2009
Me Linda Boucher, régisseure
LB/nv
1 original et 2 copies.
Cette copie n'est pas certifiée conforme à l'original à moins d'être spécialement attestée par un officier autorisé de la Régie du logement.
________________________________________________
1 - 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques. Elle est indivisible quant à son objet.
2 - 2633. La transaction a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée. La transaction n'est susceptible d'exécution forcée qu'après avoir été homologuée.
3 - Jean-Louis Beaudoin et Pierre-Gabriel Jobin. Les obligations. 5ième édition Cowansville : Y. Blais, 1998.P.36-37.
4 - ibid page 37.
5 - Me Gilles Joly, Gagné c. Larocque, RL Village Olympique 31-970501-054G, le 1er décembre 1997.
6 - 36-831208-001G, Me Gilles Joly.
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